J'aime les chroniqueurs, c'est bien connu. Certains plus que d'autres. Je ne suis pas trop fan de Stéphane Baillargeon, je ne m'en suis jamais cachée non plus. On est dans l'ordre du goût ici. Ça n'a rien d'objectif, je ne déchirerai pas ma chemise pour des impressions.
Mais je suis d'accord avec lui sur ce coup-ci.
Certes, il aurait pu y penser deux fois pour la forme et le ton. Lagacé a bien résumé: l'image de la madamisation frappe fort, mais occulte le débat de fond. Un ressac était à prévoir. Je n'aurais pas pensé un ressac aussi deux neurones que celui de Rythme FM. (Malgré les apparences, je reste une femme pétrie d'espoir en mon prochain. Un jour ça me coûtera.) (Complément d'information: on me dit que c'était une blague, comme quoi quand je pogne les nerfs, j'en perds mes moyens!)
L'erreur de Baillargeon c'est d'avoir insisté sur un vocabulaire qui semble nous pousser dans un débat de genre. Ce n'est pas ce qu'il voulait, sans doute. Simon Jodoin lui donne un coup de main en renchérissant sur la bonhomisation.
Le fond est là, le fond reste le même. Et il est multiple (une autre erreur, peut-être, avoir voulu viser trop de canards en même temps?). Il y a l'aspect petit bourgeois du professionnel des médias qui ne semble pas conscient de sa position sociale. Il y a ce ton qu'il évoque, ce ton insupportable où toute information est passée au filtre du trendy comme si c'était aussi excitant de discuter des bombardements en Libye que d'un choix éclairé de tournevis pour vos menus travaux. Et il y a le règne du conseil.
Moi, la bouffe, ça ne me fait pas un pli! Je ne dis pas que ce n'est pas important et que ça ne devrait intéresser personne. J'invite juste les gens à s'arrêter et s'imaginer trente secondes l'enfer médiatique de quelqu'un qui est 0% foodie. Ça me rappelle l'horreur des repas de famille où, pendant qu'on se gavait, tout le monde parlait... de bouffe. La dernière recette de ceci, la dernière diète pour cela, mon chaudron machin-truc. Ça me levait le coeur de manger autant en évoquant plus de bouffe encore. JE M'EN CRISS! Bon.
De ça et de bien d'autres considérations triviales. Je suis une intellectuelle. Je suis une cérébrale. Quand je branche mes oreilles sur une source d'information, quand je m'assois pour lire, je veux qu'on me touche, je veux qu'on m'informe, je veux qu'on me fasse réfléchir, je veux qu'on me divertisse... Mais jamais, JAMAIS, JAMAIS, je ne veux qu'on me conseille (même si j'en aurais bien besoin, j'en conviens!). Je ne consulte pas des médias pour être conseillée. Je consulte des gens quand je veux des conseils.
Je ne consulte même pas les critiques pour qu'ils me conseillent sur ma consommation culturelle. Je les consulte pour qu'ils m'informent (et accessoirement, parfois, qu'ils me fassent rire un bon coup!) sur ce qui se trame dans l'art d'ici. Jean Barbe appelait à la mort des étoiles. Les étoiles c'est aussi de la trivialisation. C'est la critique qui devient conseil de consommation.
La télé, la radio, les journaux, ils exultent sous le conseil. On nous parle partout de vie pratique. Ça ne me repose pas d'entendre parler de vie pratique, ça m'ennuie. Au coton. Et comme je l'ai déjà dit, les gens trouvent peut-être ça inutile les analyses, la philosophie, les discussions intellectuelles, mais, pour ma part, faire venir trois spécialistes pour parler pendant vingt minutes de bûches écologiques, c'est quand même assez élevé dans l'échelle de l'inutilité.
On nous dira qu'il y a un public pour ça. Certes, certes. Il y a un public pour tout. Mais il y a aussi un public qui ne veut pas de ça. Alors il fait quoi?
Je suis en colère soudain, je ne l'étais pas et je suis en colère parce que les gens vont accrocher sur le "madamisation" pour dire que Baillargeon est dur avec les femmes. Et pendant ce temps TVA lance une chaîne qui s'appelle Mlle et sur un site comme Branchez-vous la section femme est rose et nous parle de Stars et de Tendances avec une écriture cursive TELLEMENT féminine. Et personne ne dit rien. Silence radio.
Comprenons-nous bien, je ne veux pas faire un autodafé avec les magazines "féminins". Faut de tout pour faire un monde. Mais mon monde à moi, il est rendu où? Mon monde à moi, à part à Désautels et à Télé-Québec admettons, il est rendu où?
Dites-le que je suis méprisante avec un paquet de gens qui se reconnaissent dans tout ça. Dites-le.
Ils me le rendent si bien après tout! Et de plus en plus à chaque annonce d'une nouvelle grille de programmation.
Ajout le 23 mars: La réaction de Nathalie Petrowski va tout à fait dans le sens du ressac que je craignais. J'aimerais juste signaler que ce que dénonce Baillargeon, à mon sens, va bien plus loin que la case horaire creuse de la télé. Pour ce qui est de la télé comme objet de contrôle social et de tranquillité, certes, mais alors quoi? Alors on s'assoit et on se croise les bras? On ne dit rien et on laisse "la télé" faire. Comme si elle ne venait pas de nous, par nous, pour nous? Je ne savais pas que Mme Petrowski faisait maintenant partie des gens résignés.
Je suis responsable d'en site Lifestyle et j'essaie de ne pas (trop) verser dans la madamisation, justement. Ou du moins de balancer avec des choses un peu plus informatives ou "intelligentes" (c'est dit sans - trop de - mépris envers les autres publications).
Aurais-tu des suggestions pour faire cohabiter les deux?
Rédigé par : Sophie | 23/03/2011 à 11:14
D'une part je dirais que le problème n'est pas tant qu'il existe des sites Lifestyle (ou des émissions), c'est surtout qu'il n'existe plus grand chose d'autres.
Pour le reste c'est une question de ton. Par exemple, si le site est dans un enrobage "girly", ça l'air un peu fou quand soudain tu as un article sur la maladie mentale. Je prends cet exemple parce que ce matin même on a parlé de troubles obsessifs compulsifs à la radio sur un ton... C'est hip soudain, parce qu'on se rend compte que nous le sommes tous un peu tu vois...
Autre exemple: si on reçoit un chercheur pour parler de l'éthique dans la recherche avec les animaux, peut-être que c'est pas vraiment approprié de passer la moitié de l'entrevue à parler de recettes végé. Pour ça, on invite Joël Legendre.
Autre exemple: si on reçoit en entrevue la Conservatrice en chef d'un grand musée on peut peut-être (peut-être!) lui parler d'autres choses que de la dernière expo sur un grand couturier. Oui, oui, la haute couture c'est de l'art. Ce qui est triste c'est que ça devient la seule clé pour faire parler de soi pour un musée.
Donc, voilà. Pour moi la clé c'est le ton. C'est exactement comme le spectacle qui envahit l'information, c'est le lifestyle qui envahit tout le reste.
Rédigé par : Catherine | 23/03/2011 à 11:22
Je comprends et je suis d'accord avec toi.
Il y a également des façons d'aborder des sujets plus légers de façon moins débilitante.
Le défi est de taille, car, réalistement, il faut tout de même que les revenus suivent.
Rédigé par : Sophie | 23/03/2011 à 11:32
tres belle
Rédigé par : moneim | 26/03/2011 à 00:33
TU ÉCRIS ENCORE MIEUX QUAND TU ES EN COLÈRE MA FILLE ... BRAVOS !
Rédigé par : DAD | 27/03/2011 à 15:05
Merci papa. ;-)
Rédigé par : Catherine | 27/03/2011 à 23:27