21 février. Théâtre de La Chapelle à Montréal. Beauté, chaleur et mort de Nini Bélanger et Pascal Brullemans.
J'avais été brassée dans ma pudeur par Endormi(e) la dernière pièce de Nini Bélanger. C'est donc un peu à reculons que je retournais tenter l'expérience.
27 février. Studio du Centre National des Arts. La pornographie des âmes de Dave St-Pierre.
J'avais aussi été dérangée quand j'ai vu Dave St-Pierre sur scène dans le cadre d'un Cabaret au OfFTA. Dans ma pudeur, toujours. J'y retournais cette semaine.
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On m'a souvent dit impudique. Ça fait toujours rire ma mère quand je lui raconte ça. Ma mère me trouve très pudique.
Sortez vos bistouris et disséquons un peu cette obsession d'un 21e siècle qui débute sous l'influence d'un 2.0 peut-être porté sur l'impudeur, mais certainement pas sur le corps.
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Je n'ai aucune pudeur devant les chirurgies émotives. J'ai la conviction qu'un doute mis sur la table, qu'un travers sous la lumière, qu'une névrose qui ouvre bien grand les jambes, c'est souvent bénéfique. D'abord, parce que nous sommes toujours moins seul que nous le croyons. Ensuite, parce que faire de la lumière avec sa merde intérieure, c'est prendre le risque de faire du bien à soi et aux autres.
En ce sens, j'ai reçu la proposition de Bélanger et Brullemans comme un coup de poing en pleine face, mais les bras ouverts. J'ai accepté cette mise en scène de l'amour physique entre deux adultes tout habillés, j'ai accepté cette simulation d'accouchement. J'ai accepté cette douleur immense de la perte d'un enfant. J'ai accepté l'humour, j'ai accepté leur talent de non-acteurs. J'ai pleuré. Je les ai trouvés beaux et amoureux. Simples. Je les ai enviés d'être deux, dans l'horreur mais ensemble. J'en suis sortie avec toutes sortes d'envies, des envies de vie. Dans les derniers mois, rien ne m'avait donné autant le goût de faire un enfant qu'une pièce sur la mort d'un nourrisson. Une pièce comme un éperon: pour vivre, il faut le risque de souffrir.
C'est banal? Tant mieux pour vous si vous êtes centrés au point de ne jamais perdre de vue les plus banales évidences. Je n'ai malheureusement pas cette force et l'art me sert aussi à ça.
Ma pudeur concerne l'intimité du corps. Admettons un corps nu qui ne sert pas à un usage sexuel. Admettons un corps nu qui ne sert à rien. Dans le sens qu'il est nu juste parce qu'il n'est pas habillé, pas pour faire une utilité quelconque de sa nudité. Admettons plusieurs corps nus dans le même espace qui sont nus pour rien. Juste parce qu'ils ne sont pas habillés. Juste parce que des fois on est mieux comme ça, plus libres.
Ce n'est pas que sur scène que Dave St-Pierre me rejoint dans mes derniers retranchements, c'est dans sa démarche même. Un tel abandon, ça me dépasse... Chaque fois que je m'y frotte, il me rappelle que je me suis barricadée dans ma tête, parce qu'être intelligente est encore ce que je sais faire de mieux. Son utilisation de la nudité ramène le corps au magnifiquement banal, et la cérébrale en moi trouve ça... insupportable.
J'ai une pensée particulière pour Katia Lévesque qui se prête à ce numéro d'animateurs "sadiques mais sympathiques" qui dissèquent l'obésité. Est-ce que c'était pertinent? Sans doute puisque j'y pense chaque heure depuis. Je me suis trouvée minable d'avoir comme réflexe de me comparer dans un tel moment. Je me suis trouvée tellement faillible, tellement humaine. Alors je suppose que c'était pertinent.
Certains vous diront que des artistes comme Bélanger, Brullemans et St-Pierre font ça pour choquer. Étrange tout ce qu'on met de péjoratif dans ce terme. Comme si vouloir choquer était la pire des idées. On ne se révolte jamais contre les millions investis dans des productions qui sont faites uniquement pour nous conforter!
J'ai passé l'essentiel de cette semaine à être heureuse de vivre dans une société où tout cela peut exister. Où nos pudeurs peuvent, ouvertement, être confrontées. Ces artistes me choquent souvent. Des chocs comme de solides coups de pied au cul.
C'est magnifique quand on s'arrête pour y penser.
(Un rappel du clip de Yann Perreau avec Dave St-Pierre et Katia Lévesque, entre autres.)
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