Vivre avec le destin, c'est le titre de la biographie que Jean-François Lépine signe sur la vie de sa belle-mère et grande dame de théâtre: Janine Sutto. Livre sans doute aussi nécessaire que, malheureusement, peu réussi.
Nécessaire parce que voilà une grande dame qu'on oublie trop souvent sur la liste des femmes qui ont changé le Québec. Femme libérée avant l'heure, Janine Sutto a été dans son travail comme dans sa vie l'incarnation du changement qu'a vécu le Québec au XXe siècle.
Malheureusement (et j'insiste, vu le professionnalisme de l'auteur) peu réussi puisque, entre d'interminables listes exhaustives des productions auxquelles elle a participé, de nombreux rebondissements de sa vie personnelle et des considérations qu'elle porte elle-même sur ses souvenirs, le récit cherche son souffle. Le livre compte une cinquantaine de pages de trop: plusieurs énumérations de productions auraient pu se retrouver en annexe sans que personne n'en souffre.
Mais passons, puisque je voudrais davantage insister sur le problème fondamental qui, à mon sens, est soulevé par la publication de cet ouvrage: est-ce que, au Québec, le star system est trop petit pour qu'on y publie ce genre d'ouvrages? Ma question se base sur deux considérations.
D'abord: pourquoi avoir choisi Jean-François Lépine pour écrire sa biographie? Tout se passe à peu près bien (même si on se sent un peu tiraillé quand Lépine évoque les conflits mère-fille) jusqu'à la page 329, c'est-à-dire jusqu'au moment où l'auteur de la biographie entre lui-même en scène. Page 329 nous pouvons lire: "Mais sa fille a aussi quelque chose d'important à lui annoncer: depuis quelques temps, elle est amoureuse d'un homme avec lequel elle songe s'établir à Jérusalem. Un mois plus tard, Janine Sutto fait sa connaissance quand lui-même se rend en visite à Montréal. Les amoureux se sont connus à Paris, où ils vivent tous les deux." Est-ce qu'il n'y a que moi qui ressens un léger malaise à lire Jean-François Lépine parler de lui-même à la troisième personne? Certains me diront que c'est par distance journalistique, ce à quoi je répondrai que la distance journalistique l'aurait forcé à refuser un tel mandat. Le malaise s'intensifie plus on approche du présent, ayant soudain l'impression de jeter un oeil dans des dynamiques familiales trop intimes (les conflits mère-fille qui sont récurrents).
Ma deuxième considération concerne le choix d'utiliser une initiale pour parler d'un des amants de Janine Sutto, celui qui sera le grand amour de sa vie. Ce D., lorsqu'il apparaît, surprend surtout que jusqu'à ce moment tous les intervenants ont été nommés et pas uniquement dans leurs côtés glorieux! Or, ce qui surprend encore davantage, c'est qu'il faut vraiment être 1- déconnecté complètement de l'histoire théâtrale du Québec et 2- n'avoir aucune capacité à croiser des informations... pour ne pas facilement découvrir de qui il est question. En fait tout est là, sauf son nom! Première question: qui protège-t-on? Deuxième question: s'il y a quelqu'un à protéger, peut-être aurait-il mieux valu attendre un peu? Ou alors trouver un moyen d'éluder cette partie de l'histoire ou de la minimiser?
C'est ce choix discutable de demander au gendre d'écrire une biographie et cette étrange utilisation d'une initiale pour parler d'un grand amour qui m'a poussée vers cette considération: et si notre système solaire était trop petit? Trop petit pour des "levées du rideau" calquées sur le modèle américain et français ? Trop petit pour les demi-silences, les omertà et l'entretien d'un mystère bien vite effrité?
À lire donc, si vous souhaitez comprendre la naissance du théâtre et de la télévision d'ici et le rôle qu'y ont joué les femmes. Je souligne aussi les très belles photographies. Ne vous gênez pas pour sauter certains passages (surtout autour des pages 170) à moins que vous prépariez une thèse sur les distributions complètes des oeuvres québécoises de télé-théâtre!
Pour ma part, je suis sortie de cette lecture avec un malaise, une impression désagréable, sans savoir si le problème était qu'on avait voulu en faire trop. Ou alors seulement trop vite.
Petit détail: j'effacerai tout commentaire de gens qui voudront discuter de l'identité du D. en question. J'ai beau trouvé ça étrange, ce n'est pas le Journal de Montréal ici, on ne sort pas les gens du placard de force!
La lecture de ce livre a été rendue possible grâce à Babelio.com
D? Damien Robitaille?
J'aurais jamais cru!
Rédigé par : Daniel Rondeau | 24/12/2010 à 14:13
Ahah! La Franco-ontarienne en moi souhaite de Joyeuses Fêtes à ta petite famille ma grenouille!
Rédigé par : Catherine | 24/12/2010 à 14:14
Hon ... t'as pas honte, la veille de Noël publier une mauvaise critique sur une grande dame, si petite (HI HI !) !! Quand on a un verre de cidre de glace dans le corps, attention, on dit n'importe quoi et j'ai trois verres de cidre dans le corps. Des petits verres.
Comme je n'ai plus aucune inhibition, et que je venais fermer mon ordi et que j'ai vu ton lien sur twitter, me voilà obligée de lire ta critique, justement parce que tu veux qu'elle passe inaperçue !
Personnellement, je ne pense pas que ça me dérangerais que l'auteur parle de lui à la troisième personne. Et puis les conflits mère-fille, ça me passionnent. Alors, je devrais aimer. Et si c'est lui qui l'a rédigé, c'est qu'elle a accepté à la seule condition que ce soit lui. Plusieurs lui ont proposé auparavant mais elle refusait systématiquement, voyant cela, son gendre a décidé de l'amadouer. C'est ce que j'en ai entendu dire. De source sûre ? Je ne sais pas. Qui peut se targuer d'avoir des sources sûres ici-bas !
Que tout ce qui est listes de ses performances soit en annexe, je suis d'accord avec toi, quand on est dans le croustillant, on veut du jus (c'est mon breuvage qui me fait dire ça).
Par contre, j'ai lu plusieurs biographies de personnalités au Québec, puisque j'ai été 4 ans à ne lire que des bio et je pense sincèrement qu'il y a moyen de parler de notre star système sans que l'on sente de "cosanguinité".
Jean-François a joué sur deux tableaux, voilà l'explication de ton malaise j'image.
Je commence à dessaouler.
JOYEUX NOËL !
Rédigé par : Venise | 24/12/2010 à 23:44
Tu me raconteras ça quand tu l'auras lu (et moins bu... haha!). Joyeux Noël!
Rédigé par : Catherine | 25/12/2010 à 08:53
Parlant de fautes d'orthographe, vous en avez commis vous-même dans ce texte...
À corriger si le coeur/le désir de cohérence vous en dit!
Rédigé par : G | 29/12/2010 à 12:36
Vous avez bien raison! J'en ai trouvé au moins quatre! Si vous en voyez d'autres, n'hésitez pas. Merci!
Rédigé par : Catherine | 29/12/2010 à 12:43