Les résolutions peuvent être individuelles ou collectives. Elles peuvent aussi être les deux. Les frontières entre deux termes antinomiques sont toujours plus poreuses qu'on ne le croit.
La journaliste Chantal Guy, qui est présentement en Haïti, demandait cette semaine sur Twitter "Comment ouvrir son coeur et le protéger en même temps?" Il me semble que ça résume un dilemme important, une trame de fond qui marque nos vies en ce début de XXIe siècle. Et pourtant, j'ai la conviction que c'est en l'oeuvrant qu'on le protège du pire. De la moisissure.
Il faut dire qu'en ce domaine, je ne prêche pas par l'exemple.
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De tout ce que j'ai écrit, je ne connais qu'un extrait par coeur. Le plus direct et le plus dur. L'absence de métaphore induit parfois une certaine violence.
Je ne serai jamais mère parce qu'aimer fait trop mal. Je ne serai jamais femme, parce qu'aimer, encore, ça va, mais être aimée c'est mourir un peu de l'autre qui part déjà.
Tu écris ça une fois et tu ne l'oublies plus. Deux phrases et la psychanalyse est knocked-out puisque tout a été dit. Mais rien n'a encore été fait.
J'ai peur. That's it.
C'était déjà quelque chose de le dire. Maintenant quoi?
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Si j'étais seule, ce ne serait qu'anecdotique. Mais je vous observe, louvoyer, entre apparence et relations compliquées. Entre faux-semblant et bonnes réparties. Entre bonne conscience et réflexes consuméristes. Entre coups de gueule et omertà polie.
Et je me dis que nous sommes quelques-uns à avoir peur.
Peur de laisser entrer les autres. Peur de s'ouvrir. Au plan individuel, mais aussi au plan collectif. L'apathie relative dans laquelle nous baignons me semble aussi un symptôme de cette peur.
Et le pire de tout, c'est que nous avons surtout peur de le dire. De dire que nous avons peur.
Relents du secret judéo-chrétien? Influence des chantres de la pensée magique? L'idée que nommer le mal crée le mal reste solidement ancrée. Taisons tout et ça va passer.
La psychanalyse n'est certes pas une panacée, mais elle aura milité pour ça: dire les choses ne les enveniment pas! C'est en nommant le mal qu'on le dépouille. C'est parce que quelqu'un ose dire l'absence de vêtements que l'Empereur souffre soudain de sa nudité.
Je regarde autour de moi: cette année 2010 qui s'achève, la 2011 qui commence. Je vois les rouleaux compresseurs qui nous entourent: les moteurs fumants du conservatisme, la tentation de l'aplatventrisme et le rejet de la marginalité. Entre deux gorgées de champagne, quelque part entre deux secondes de notre décompte, réalise-t-on que ce n'est pas en fermant les yeux que nous les ferons disparaître?
Il faudra bien lever le poing devant la bêtise. Il faudra bien dire non à l'obscurantisme. Il faudra bien s'opposer à la complaisance.
C'est parce que nous sommes fragiles que nous saurons nous battre. C'est parce que nous sommes sensibles que nous pouvons vibrer. C'est parce que nous sommes mortels que nous avons envie de vivre.
Et c'est quand nous aurons dit: J'ai peur que nous serons vraiment courageux. Puisque nous serons enfin prêts à admettre la suite: ce n'est pas seul que nous pourrons résister.
Je vous souhaite ce courage (et je me le souhaite aussi!).
Bonne année 2011!
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