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Si les médias sociaux prennent de plus en plus de place dans nos vies, nous devons nous interroger sur les besoins qu'ils comblent. Parce que je ne savais pas trop par où prendre la question, je vous l'ai posée.
Un échantillon absolument non scientifique, mais tout de même impressionnant m'a répondu. À première vue, vos réactions me confortent dans l'idée qu'il est assez difficile de cerner un profil unique de l'utilisateur des médias sociaux. Tout de même, je note que deux catégories de raisons s'imposent.
Les premières raisons que je dirais plus intellectuelles insistent sur la diversification des sources d'information, le fil de nouvelles à portée d'un clic, le réseautage avec gens qui ont les mêmes intérêts n'importe où à travers le monde, le maintien des liens professionnels, etc. Passons sur cet aspect plus consensuel.
D'autres m'ont répondu sur une base plus émotive. Le mot clé devient « solitude ». Pourtant, personne ne m'a parlé d'isolement, d'enfermement, de célibat qui pèse. Non. Vous m'avez parlé de votre vie de pigiste et des médias sociaux comme une machine à café (rappelons-nous que Ianik Marcil, dans les pages du Devoir, en parlait comme d'un 5 à 7).
Quelqu'un m'a aussi dit que ça correspondait parfaitement à son tempérament de « sociable sauvage ». Je crois que nous sommes plusieurs à nous reconnaître dans cette description.
Et puis vous m'avez parlé d'une solitude plus... métaphysique (ou fondamentale? ou radicale). D'un sentiment profond que vous tentez - vainement - de contrer. À défaut de vous en sortir, vous voyez dans les médias sociaux une forme de baume.
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Je me reconnais en partie dans vos propos sur la solitude. Pourtant...
Pourtant je m'excuse souvent de mon utilisation abusive en me disant que c'est parce que je n'ai personne avec qui échanger pendant que j'écoute C'est juste de la tv ou Bazzo.tv. C'est toujours mon excuse préférée: si j'étais en couple, si j'avais des enfants, ce serait bien différent. Le problème c'est que dans de nombreux cas je constate que vous êtes en couple, vous avez des enfants... et vous êtes là quand même.
Alors, c'est quoi?
C'est peut-être ce syndrome du « sociable sauvage », cette fenêtre vers l'extérieur qu'offrent les médias sociaux en nous sortant de notre intimité casanière. En ce sens, il pourrait être tentant de rejoindre Simon Jodoin lorsqu'il parle de paresse sociale. Mais je réitère: est-ce vraiment plus paresseux que d'aller s'asseoir au bar en échangeant des banalités avec le serveur?
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Oui, pour la solitude, mais il me semble que ce n'est pas tout. Vous ne m'avez pas parlé de l'absence du corps. Personne. Moi qui l'identifiais comme la principale caractéristique des relations en ligne, vous me faites douter.
Je constate que malgré ce qu'on en dit souvent, les médias sociaux ne m'empêchent pas de sortir, ils ne sont pas plus faciles, certainement pas plus superficiels,
mais il me semble qu'ils se déploient dans la cérébralité. C'est un monde qui
sans être faux est désincarné, dans la plus pure acceptation du terme. Et il y a sans doute un danger dans un surinvestissement de la vie cérébrale au détriment de relations qui impliquent la présence physique de l'autre.
Mais je ne vois pas de paresse dans les relations en ligne. Des peurs, sans doute. Des névroses, peut-être. Mais de la paresse, je ne crois pas. Pour la plupart d'entre nous, quelque chose est en jeu, même si ça se joue en 140 caractères. La preuve c'est qu'on s'y blesse...
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Dans mon cas, Twitter a remplacé Facebook, qui a remplacé la blogosphère, ICQ, les chatrooms. Avant ça, j'étais une ado qui s'ennuyait, qui avait du mal à trouver autour d'elle des échos à ce qui l'habitait, des endroits de dialogue avec
des semblables. Il faut dire aussi que l'écrit me va, les communications en webcam ne
m'ont jamais intéressée. D'ailleurs, avant tout cela il y avait un journal intime
partagé avec une amie. Et quelques correspondances.
Il me semble que c'est par l'écriture que je m'approche le plus du noyau de qui je suis. J'arrive à y exprimer ce mélange de force et de fragilité. En face à face, la femme forte prend le dessus.
Est-ce une question de charisme? Ou de profil physique? Ou ma volonté de me tenir la tête haute, de ne jamais être dans une position de
faiblesse? Chose certaine, c'est en présence physique que je suis le plus fragile, mais c'est là
aussi que vous ne le saurez jamais.
Pourquoi les médias sociaux? Peut-être parce que c'est l'endroit où j'arrive à exprimer mes contradictions sans qu'elles m'apparaissent comme un échec. Peut-être parce que j'ai moins peur de m'ouvrir si mon corps n'est pas en jeu.
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